• Hanami Sonata

     

    Attention ! Critique 100% spoilers !

     

    Avant-dernier né de Léa Silhol, Hanami Sonata nous plonge (et replonge) avec délice dans l'univers des Fay, nous offrant cette fois-ci un nouvel éventail de saveurs puisque le rideau se lève au Japon. Dans la demeure de l'ancienne mais non moins illustre famille des Izôkage, cinq Fays américains pénètrent, répondant à l'appel du maître de Kôdô, Hatsuyuki Izôkage, dont la jeune sœur est prisonnière du Grid. Le Grid, cet univers parallèle et numérique, fourmillant de données, auquel seuls quelques élus ont accès, le miroir du pays du soleil levant. Ce roman nous offre ainsi un tableau à deux entrées, nous invitant, nous aussi, non seulement à découvrir ce pays exotique, mais également son envers. Bien que les passages se déroulant dans ce dernier sont moins nombreux que ceux présentés IRL, dira-t-on, c'est un premier pas prudent qui nous est offert. L'immersion se fera plus tard, mais pas ici, pas maintenant, mais ce qui nous est montré suffit largement à donner déjà le ton de ce qui sera révélé dans le deuxième tome du cycle Seppenko Monogatari.

     

    Double entrée, donc. Cette notion de double, de duo, reviendra à plus d'un titre, car de nombreux éléments semblent marcher par deux. Il y a la surface de ce pays et son réseau souterrain, comme dit précédemment, mais ce sauvetage de Fuyue Izôkage n'est-il pas également l'occasion de la réunion de deux moitiés, en même temps que de deux pays et leur culture ? Sans dire que Crescent incarne les Etats-Unis (car ce serait faux à mon sens), elle provient de ce pays et est amenée à devenir la prophétesse des Fays américains. Le doute est moins permis du côté d'Hatsuyuki, considéré comme un Trésor vivant chez les siens. On assisterait alors à la rencontre de deux cultures mais également à la redécouverte de deux êtres déjà liés dans leur vie antérieure, une Fay et un humain. Vient alors leur hanami, cet instant si bref mais si unique, faisant tout le drame mais aussi toute la beauté de leur relation.

     

    Crescent et Hatsuyuki n'en sont pas à leur premier tour de roue l'un avec l'autre mais, comme la première fois, l'étreinte est vouée à l'éphémère, et d'autant plus passionnée, semblable à la fleur de cerisier au sommet de sa gloire, avant que la chute n'advienne.

    Pas de lien plus fort que celui du pétale à sa corolle.

    Car même si leurs chemins ne sont destinés qu'à se croiser, ces deux moitiés d'âme sont appelées à se retrouver encore et encore, et à se compléter. Il y a là un double lien : le destin des Izôkage et le choix de deux âmes. Parce que c'était toi, malgré tous les écrits du destin. Au-delà d'un édit imposé par une volonté divine, il y a cela principalement : le choix et la décision, comme Léa Silhol sait si bien le présenter à chaque fois. Hatsuyuki et Crescent ne se choisissent pas au nom d'une fatalité incontrôlable, mais parce qu'à chaque nouveau face à face ils n'ont pas de raison de choisir quelqu'un d'autre. Cependant, l'ironie cruelle du destin s'impose à chaque nouveau jet de dés, ajoutant à l'équation ces données incompatibles l'une avec l'autre : le devoir et l'amour.

     

    L'intervention d'Anis peut sembler alors presque trop facile. A ma première lecture, avouons-le, j'en ai conçu de la gêne, d'autant plus que ce personnage revient sur une décision prise dans Possession Point et qui, selon moi, faisait partie des tournants forts de son évolution. Un royaume s'écroulait, et ce n'était que sur ces décombres qu'Anis pouvait faire peau neuve. La voir revenir sur ce choix et réussir son tour de marraine la bonne fée aisément m'a dérangée. Puis, je suis allée jusqu'au bout du roman, et puis j'ai, moi aussi, réappuyé sur la pédale, enclenchant un deuxième tour. Car je ne crois pas en la facilité dans les livres de Léa Silhol. Le dialogue entre Jay et Anis, relu, m'a permis de résoudre ce problème. Oui, Anis pouvait intervenir et créer cette issue de secours. Non seulement elle le pouvait, mais elle en était peut-être la seule capable. Je me suis rappelée de sa hargne face aux forces de l'ordre, de son « Non. » clamé haut et fort. Anis devait endosser ce rôle car c'est une passe-partout (et peut-être bien LA passe-partout à mes yeux).

     

    Hanami Sonata, c'est aussi cela : rendre éternel et permanent ce bref hanami, ce chant qui ne devait durer qu'un temps fort à chaque cycle. C'est réunir ces deux moitiés : le Maître de Kôdo et la Maîtresse d'Echos, avec ce parallèle entre chacune, cette structure qui se répond (et en laquelle je ne peux m'empêcher de voir un chiasme). Dans la partie "Le Maître de Kôdô", nous assistons à des retrouvailles, puis à un éloignement, pour qu'ensuite nous puissions observer cet ordre réfléchi dans la deuxième moitié du roman, "La Maîtresse d'Echos", qui s'ouvre sur cette séparation où nous avions laissé les personnages, avant de voir s'accomplir leurs retrouvailles.


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