• blabla


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    Attention ! Critique 100% spoilers !

    Dernier recueil de nouvelles de Léa Silhol, 340 MPS s'inscrit sous le thème de l'obsession en nous faisant parcourir neuf nouvelles. Neuf, chiffre symbolisant l'idéal, et qui n'est pas sans rappeler les neuf cours d'Ombre de l'univers de Vertigen. Neuf désirs cachés, enfouis dans nos cœurs. Ces neuf nouvelles sont distribuées entre quatre parties, mises élégamment en évidence sur la tranche du recueil, noir sur blanc. Quatre parties, quatre pour l'équilibre, mais pour la mort peut-être aussi (j'essaye de ne pas trop tirer les chiffres par les cheveux bien que cela reste très  tentant) :

    - Desire

    - Obsession

    - Pressure

    - Ever

    Là encore, je joue. Quatre titres dont on pourrait prélever la première lettre et toutes les aligner. DOPE. Mot anglais signifiant ni plus ni moins « la drogue », ce dont on ne peut se passer.

    Allons-y dans l'ordre.

     

    La première partie, Desire, décrit cet élan impossible à nier que l'on aurait pour quelqu'un ou pour quelque chose. Trois nouvelles y retracent la route de trois héroïnes face à l'appel d'une évidence. « Wild » est une nouvelle courte, brutale et sauvage, c'est le retour à la nature mais aussi le retour dans les bras aimants, l'instinct primaire chez les amants réunis. Comment démarrer autrement la route de ce recueil ? Margaret nous accorde la deuxième danse dans « Folding/Unfolding ». C'est un personnage que l'on découvre petit à petit, au fur et à mesure qu'elle s’entrouvre, se déplie (et se replie parfois) à l'instar des éventails qu'elle chérie et qu'elle traque. Tranchante, elle sait se garder, se faire lame pour atteindre ses objectifs, tant et si bien que l'on finit par ne pouvoir qu'acquiescer face à son geste. Le véritable collectionneur, c'est celui qui retrouve une partie de lui dans chacune de ses acquisitions, pas celui qui engrange avec avidité pour le simple plaisir de posséder. « The Cat & The Choker » clôt cette série. Cette nouvelle rééditée nous fait suivre les pas d'Ayliss, jeune héroïne mais qui, les yeux secs et le sourire triomphant, choisit la gloire tout en allant à la mort, embrassant le destin de sa famille. C'est le choix de sa propre chute, mais aussi la promesse de l'élévation.

     

    S'ensuit la deuxième partie du recueil, Obsession, la plus courte mais sans nul doute la plus violente, constituée de deux nouvelles. Dans « Sous l'aiguille », Némésis ouvre le bal, se présentant de par son nom comme la force opposée qui fera plier l'Autre, cette inconnue sur laquelle nous n'aurons que très peu d'informations puisqu'elle est amenée à disparaître ou en tout cas à... Changer. La vengeance accompagne ici le désir de possession, illustrant l'adage terrible du « A moi pour toujours, et jamais à un autre. ». Némésis a son ancienne amante dans la peau et compte bien l'y garder. Elle cède le pas à Anoukian, qui n'est pas moins terrible que le premier personnage de cette partie. Anoukian est encore assez  cryptique pour moi, repliée dans son fatalisme. Je n'ai pas encore su correctement la saisir. Obsédée par un idéal qu'elle sait ne pas pouvoir atteindre, elle vit dans l'instant, cherche même cet instant parfait, que ce soit dans la musique ou dans la photographie. Son mépris pour Aram, son frère qui est prêtre, en apparaîtrait presque comme de la jalousie ou bien de l'envie. « Traverser sous les roues des voitures », titre de cette nouvelle, est représentatif de ce désir d'Anoukian à tout tenter pour avoir une réponse.

     

    Si « Folding/Unfolding » est la nouvelle que je préfère dans ce recueil, Pressure est ma partie favorite parmi les quatre de 340 MPS (et pas uniquement à cause de Queen et de David Bowie). Il s'agit pour les personnages de vaincre cette pression exercée sur eux par la société, celle-ci souhaitant extraire tout le jus en eux, tout ce qui fait leur essence. En voulant aller contre les machineries de cette société, les personnages de ces deux nouvelles doivent aussi aller contre eux-mêmes, se perdre pour mieux se retrouver. Le thème de l'identité, de l'estime et de la construction de soi est encore traité avec brio par Léa Silhol. Dans « Faiseur d'étoiles », Adel est une héroïne (ou peut-être davantage une anti-héroïne) pleine de maladresse qui, en cherchant à s'accomplir dans la publication d'un futur livre, se perd elle-même à force de trop écouter les conseils, voire les ordres, de son éditeur. Happée par la machine, elle ne devient plus que l'ombre d'elle-même, et si ce personnage a de quoi irriter, en quoi sommes-nous différent d'elle ? De plus, Adel parvient enfin à reprendre le dessus lorsque cette industrie infernale touche à une personne qui lui est chère. Le plus terrible tient sans doute dans le dernier acte de cette nouvelle : afin de rendre justice, Adel emprunte un chemin qui la place malheureusement en position de criminelle. « Winter Wonderland Inc. », qui est une réédition, m'a amené l'élément que j'apprécie le plus dans les œuvres de Léa Silhol : le clin d'oeil. Le plaisir de retrouver la trace d'un personnage déjà rencontré au préalable. Mieux encore, deviner au fur et à mesure du texte qu'il s'agit bien de lui. J'ai d'abord fait la connaissance de Christophe dans Rômaji Horizon, et c'est avec joie que je lui fis un signe de la main dans cette nouvelle qui lui était dédiée. Un nouveau pacte avec le diable prend ici place sur scène. Isolé au milieu de l'arctique, Christophe se voit proposer un salaire exorbitant pour accomplir la tâche de Père Noël, c'est-à-dire lire les lettres qu'il reçoit de tous les horizons. Là où le bas blesse c'est quand il doit les classer entre celles qui sont rentables pour l'industrie du jouet et celles qui le sont moins. Alors que l'on découvre au début de cette nouvelle un anti-héros, Christophe se révèle profondément humain et sait s'accrocher à ses principes, discerner l'essentiel et jouer double jeu dans l'espoir de couler cette industrie qui a terni noël en en faisant une fête commerciale. Décidé à venger le Père Noël originel et l'humanité toute entière, Christophe nous met nous aussi face à ce choix terrible mais nécessaire à la fin de la nouvelle : le prix à payer pour avoir la chance de s'extraire une bonne fois pour toutes des mâchoires de la machine.

     

    La dernière partie de ce recueil, Ever, nous amène face à ces obsessions qui se sont fondues en nous et qui ont fini par constituer une partie de notre être, ni en bien ni en mal. Deux nouvelles constituent Ever. L'héroïne anonyme du « Dernier des dark boys » nous exprime les regrets qui nous viennent de l'adolescence avec une passion qui n'a pas su se concrétiser et arriver à terme. Néanmoins, celle-ci tire en partie sa beauté de cela : ce moment figé dans l'éternité, où tout aurait été possible entre l'héroïne et celui que nous appellerons Fading. Tout comme dans Hanami Sonata, on savoure la perfection de cet instant éphémère mais voué à durer toujours, qui se cristallise en souvenir que l'on chérit au fond de soi. Car cette nouvelle traite surtout de cela au final : accepter son passé et se réconcilier avec pour mieux s'accepter soi. Dire « Oui. » à cette blessure et la prendre sur soi sans lui tourner le dos. « Arena » est la nouvelle qui achève le spectacle, clôt la boucle et met fin, pour un temps, au cycle. L'évocation du Colisée dans les premières phrases échangées entre l'ange et l'humaine ne peut que renvoyer à ce cercle formée par l'arène, le lieu où ces combats intérieurs sont destinés à recommencer encore et encore, car n'est-on pas dans la partie du recueil traitant d'éternité ? Sheva, l'humaine, retourne vers son point d'ancrage, partant à la recherche de celui qu'elle doit retrouver à chacune de ses incarnations. On pourrait croire à une malédiction, mais Zhayim, l'ange, prononce cette réplique qui nous offre un éclairage nouveau sur ces obsessions qui nous tenaillent et leur possible noirceur : « Va. Je t'envie. ». 

     


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    Attention ! Critique 100% spoilers !

     

    Dernier rejeton de Léa Silhol, Rômaji Horizon nous fait pénétrer dans le monde du Grid duquel nous n'avions eu qu'une ébauche lors de la lecture d'Hanami Sonata, une ébauche qui mettait déjà l'eau à la bouche toutefois. Nouveau roman, nouveau duo sur cet échiquier complexe. Nous avions déjà croisé la route de Fuyue (alias Neko) et de Saeru, l'occasion se présente ici d'enfin faire véritablement leur connaissance. La notion de double, de duo, de duet est encore de la partie, et c'est une valeur sûre. Après avoir accompagné Crescent et Hatsuyuki, je suis allée les yeux fermés prendre la main de ce nouveau couple et l'ai laissé me guider sur l'échelle impitoyable du Grid. Une Fay et un humain (chut), chacun avec leur personnalité double, partagée entre le Grid et l'IRL, et chacun l'inverse de l'autre (à première vue), Fuyue étant sans doute plus ancrée dans l'IRL que Saeru, et ayant davantage de raisons de s'y sentir chez elle, alors que Saeru se réclame rejeton du Grid. De même que la véritable identité de Saeru ne sera révélée que tardivement, l'identité de Fuyue dans la grille, Neko, est une légende urbaine. A contrario, Saeru est une légende tout court et est connu de tous dans le Grid, ce qui est beaucoup moins le cas IRL. Beaucoup d'oppositions donc, et pourtant ces deux moitiés d'âme sont les deux facettes d'une même pièce. L'un ne va pas sans l'autre.

     

    L'intrigue démarre en 2013 lorsque, pour sauver la vie d'Hatsuyuki, Crescent demande à plusieurs Fays de lui prêter main forte. La roue du temps s'enclenche en même temps que les rouages du Grid dans lequel le Maître de Kôdô pénètre, aidé par Saeru. Néanmoins, pour comprendre l'intervention de Saeru, il faut le comprendre et donc savoir qui il est, et comment il a trouvé sa place parmi les Izôkage. C'est là qu'une nouvelle mécanique s'enclenche devant nos yeux et, à l'instar des Gridrunners, nous nous mettons à suivre nous aussi cette course effrénée, remontant en 1999. Car Rômaji Horizon est un run, un immense flash-back annoncé par l'acte de Smoke au début du roman, quand les aiguilles du temps rebroussent chemin. Pour saisir tous les enjeux du combat à venir pour Crescent et Hatsuyuki, il nous faut tout d'abord observer ce qui fut le ballet entre Saeru et Neko.

     

    Le roman tourne principalement autour de Saeru, cet anti-héros que l'on adore détester et que l'on aime de plus en plus à chaque clé de compréhension qui nous est donnée. J'ai adoré faire sa connaissance, car tant d'aspects de lui m'ont fait sourire. Je me souviendrai longtemps de mon « bug » lors de la lecture de l'une des premières phrases qu'il prononce et où un « stp » (littéralement) est glissé, écrit noir sur blanc, puis de mon rire. Car, oui, Saeru est plein de provocation et affiche cet air de défi que l'on se plaît à retrouver chez de nombreux personnages de Léa Silhol mais, comme chez les autres, Saeru se permet d'être ainsi parce qu'il le peut. Sa maîtrise du langage et de la tournure syntaxique et sémantique n'est pas à remettre en doute. Ce « stp » est un gant jeté à ceux qui pourraient croire le contraire. Fils spirituel du Grid, englué dans sa machine, mais en étant pourtant le grand favori, Saeru en connaît toutes les mécaniques, tous les trucages et tous les recoins. Il a réclamé vengeance au monde, et le Grid lui a offert sur un plateau d'argent, car le Grid avale tout, digère tout, achète et revend tout au plus offrant. Tant que tout est à lui, tant que son avidité est satisfaite, alors le Grid/Greed continue sa besogne certes basse mais ô combien rentable. Comme lui, Saeru pensait que ce serait suffisant.

     

    Pourtant, il confirme lui-même le manque qu'il ressent.

     

    Ici intervient Neko et la tempête qu'elle provoque dans la vie du runner, brisant ses codes (au sens propre comme au figuré). C'est une Gerda moderne qui vient sauver Kay. Attiré par le mystère qu'elle représente, Saeru suit son propre lapin blanc, et c'est là la rencontre de deux êtres exceptionnels, comme Léa Silhol sait si bien les conter. Le thème de l'identité et de la révélation de soi, cher à l'écrivaine, prend toute sa place ici. Saisi par le Robin des bois moderne qu'est Neko, Saeru se doit de remettre en question son univers et d'affronter son propre regard dans la glace. On suit, le souffle court, son parcours, ses choix et ses tiraillements. Sa prise de conscience et son opposition face à la machine, symbole du capitalisme et d'une société qui ne pense qu'en terme de chiffres. Toutefois, le Grid reste ce que les humains en ont fait, car dans les bas fonds de cette arme à double tranchant se dissimule un aspect mystique oublié par nombre de runners et de walkers.

     

    Car, après tout, qu'est-ce que le Grid ? Le Grid, c'est un nouveau monde que nous dépeint Léa Silhol, c'est l'envers du décor au pays du soleil levant. Un monde de données informatiques où les quelques élus pouvant y accéder sont nommés les runners ou les walkers selon ce qu'ils font dans cet espace virtuel et souterrain. Un espace où l'on traite les données, où l'on s'échange à prix d'or les informations, où l'on hacke et où tout se revend, et ce trafic s'étend sur une trentaine de niveaux. Plus tu t'enfonces, moins ce qui t'entoure fait écho à la réalité, et plus il y a ce froid glacial qui te pénètre. Au sein de cette tour plongée constamment dans les ténèbres et hantée de pluie, tout semble possible, et au-delà des prouesses de piratage, c'est un mystère entier sur la naissance de cette grille et sur les créatures qui y rodent qu'il s'agit de décoder. 

     


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    Attention ! Critique 100% spoilers !

     

    Avant-dernier né de Léa Silhol, Hanami Sonata nous plonge (et replonge) avec délice dans l'univers des Fay, nous offrant cette fois-ci un nouvel éventail de saveurs puisque le rideau se lève au Japon. Dans la demeure de l'ancienne mais non moins illustre famille des Izôkage, cinq Fays américains pénètrent, répondant à l'appel du maître de Kôdô, Hatsuyuki Izôkage, dont la jeune sœur est prisonnière du Grid. Le Grid, cet univers parallèle et numérique, fourmillant de données, auquel seuls quelques élus ont accès, le miroir du pays du soleil levant. Ce roman nous offre ainsi un tableau à deux entrées, nous invitant, nous aussi, non seulement à découvrir ce pays exotique, mais également son envers. Bien que les passages se déroulant dans ce dernier sont moins nombreux que ceux présentés IRL, dira-t-on, c'est un premier pas prudent qui nous est offert. L'immersion se fera plus tard, mais pas ici, pas maintenant, mais ce qui nous est montré suffit largement à donner déjà le ton de ce qui sera révélé dans le deuxième tome du cycle Seppenko Monogatari.

     

    Double entrée, donc. Cette notion de double, de duo, reviendra à plus d'un titre, car de nombreux éléments semblent marcher par deux. Il y a la surface de ce pays et son réseau souterrain, comme dit précédemment, mais ce sauvetage de Fuyue Izôkage n'est-il pas également l'occasion de la réunion de deux moitiés, en même temps que de deux pays et leur culture ? Sans dire que Crescent incarne les Etats-Unis (car ce serait faux à mon sens), elle provient de ce pays et est amenée à devenir la prophétesse des Fays américains. Le doute est moins permis du côté d'Hatsuyuki, considéré comme un Trésor vivant chez les siens. On assisterait alors à la rencontre de deux cultures mais également à la redécouverte de deux êtres déjà liés dans leur vie antérieure, une Fay et un humain. Vient alors leur hanami, cet instant si bref mais si unique, faisant tout le drame mais aussi toute la beauté de leur relation.

     

    Crescent et Hatsuyuki n'en sont pas à leur premier tour de roue l'un avec l'autre mais, comme la première fois, l'étreinte est vouée à l'éphémère, et d'autant plus passionnée, semblable à la fleur de cerisier au sommet de sa gloire, avant que la chute n'advienne.

    Pas de lien plus fort que celui du pétale à sa corolle.

    Car même si leurs chemins ne sont destinés qu'à se croiser, ces deux moitiés d'âme sont appelées à se retrouver encore et encore, et à se compléter. Il y a là un double lien : le destin des Izôkage et le choix de deux âmes. Parce que c'était toi, malgré tous les écrits du destin. Au-delà d'un édit imposé par une volonté divine, il y a cela principalement : le choix et la décision, comme Léa Silhol sait si bien le présenter à chaque fois. Hatsuyuki et Crescent ne se choisissent pas au nom d'une fatalité incontrôlable, mais parce qu'à chaque nouveau face à face ils n'ont pas de raison de choisir quelqu'un d'autre. Cependant, l'ironie cruelle du destin s'impose à chaque nouveau jet de dés, ajoutant à l'équation ces données incompatibles l'une avec l'autre : le devoir et l'amour.

     

    L'intervention d'Anis peut sembler alors presque trop facile. A ma première lecture, avouons-le, j'en ai conçu de la gêne, d'autant plus que ce personnage revient sur une décision prise dans Possession Point et qui, selon moi, faisait partie des tournants forts de son évolution. Un royaume s'écroulait, et ce n'était que sur ces décombres qu'Anis pouvait faire peau neuve. La voir revenir sur ce choix et réussir son tour de marraine la bonne fée aisément m'a dérangée. Puis, je suis allée jusqu'au bout du roman, et puis j'ai, moi aussi, réappuyé sur la pédale, enclenchant un deuxième tour. Car je ne crois pas en la facilité dans les livres de Léa Silhol. Le dialogue entre Jay et Anis, relu, m'a permis de résoudre ce problème. Oui, Anis pouvait intervenir et créer cette issue de secours. Non seulement elle le pouvait, mais elle en était peut-être la seule capable. Je me suis rappelée de sa hargne face aux forces de l'ordre, de son « Non. » clamé haut et fort. Anis devait endosser ce rôle car c'est une passe-partout (et peut-être bien LA passe-partout à mes yeux).

     

    Hanami Sonata, c'est aussi cela : rendre éternel et permanent ce bref hanami, ce chant qui ne devait durer qu'un temps fort à chaque cycle. C'est réunir ces deux moitiés : le Maître de Kôdo et la Maîtresse d'Echos, avec ce parallèle entre chacune, cette structure qui se répond (et en laquelle je ne peux m'empêcher de voir un chiasme). Dans la partie "Le Maître de Kôdô", nous assistons à des retrouvailles, puis à un éloignement, pour qu'ensuite nous puissions observer cet ordre réfléchi dans la deuxième moitié du roman, "La Maîtresse d'Echos", qui s'ouvre sur cette séparation où nous avions laissé les personnages, avant de voir s'accomplir leurs retrouvailles.


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  • Spiderman : Into the Spider-Verse


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    Quand nous étions enfants, nous étions des flammes.

    Parfois nous brûlions tellement fort, de douleur, de cris, de larmes... 

     

    Hiver 2007. Après des mois d'interaction via forum, chan et téléphone, à se faire rire ou à s'écouter pleurer, à animer cette communauté qui était notre bombe d'oxygène à tous... Deux heures de train, puis la rencontre. Je me souviens de la voiture de ton père, de toi assise à côté de lui, ton reflet dans le rétroviseur, tes lèvres peintes (rouge sang), tes ongles vernis et la cigarette à ta bouche.

     

    Jusqu'alors, la vie m'avait appris le silence. Tu m'as inculqué l'audace. 

     

    Ta férocité, ton rire, mais aussi ta mélancolie dans cette maison où je sentais la nostalgie, mais également la peur, au détour des couloirs. Nous n'étions pas libres encore. Nous nous terrions dans ta chambre quand nous n'arpentions pas la campagne. Je me souviens de la pluie et de ta silhouette à la fenêtre, fumant (encore), pendant que les notes de piano résonnait dans notre silence. J'aurais pu passer mille ans dans cette pièce avec toi. Rien ne m'a jamais fait peur à tes côtés. 

     

     

    Et c'est en poussant davantage cette porte pour pénétrer dans le monde de chacune que nous nous sommes liées. Je pourrais remplir des pages et des pages sur toi, sur nous. Nos nuits effrayantes et fascinantes en forêt, nos vers favoris tracés sur les murs, nos lectures, nos musiques, nos visionnages. Ces balades en voiture dans la nuit noire. Tu es mon Hiver, le Givre qui m'apaise et me tient chaud.

     

    Continuer ainsi ferait dériver cet article de son but premier. Car tu m'as sauvée, mais m'a offert plus encore : un abri, une échappatoire, une arme. 

     

    Sur cette photo, je lis les premières pages d'un livre qui saura me charmer comme peu l'ont fait : La Sève et le Givre et, de ce fait, pénètre dans un univers qui m'engloutira toute entière (à ma plus grande joie). Mes pieds baignaient déjà dans les contes, dans la mythologie, dans les légendes et dans les textes dits fondateurs. Comment aurais-je pu alors détourner mes yeux de celui-là ? De ce vertige ? J'ai dévoré ce livre de sa première à sa dernière page en trois jours (trois, toujours, pas plus, pas moins). J'en ai apprécié chaque ligne, suis tombée amoureuse de chaque phrase, de chaque tournure.  

     

    Dans les années qui suivirent, Léa Silhol devint une de mes bouffées d'air frais primordiales. Je traquais chacun de ses livres déjà si difficilement trouvables, les gardant comme des reliques, ne les prêtant qu'à des personnes en qui j'avais totalement confiance, préférant parfois les acheter et les offrir plutôt que de prêter mes précieux exemplaires de l'édition d'Oxymore. Lorsque je choisis La Sève et le Givre pour une épreuve orale à l'université, je le rachetai encore une fois, refusant de souligner et de griffonner dans mon premier

     

    Chaque livre était une découverte et, par-dessus tout, un jeu de piste. A chaque détour, je traquais les indices semés sur mon chemin. Quelle créature, quel personnage se cachait là ? Et enfin, la résolution du mystère, le rire, l'évidence. Ah, oui, c'était toi évidemment. Le plaisir d'observer cette toile s'agrandir encore et encore. Même encore maintenant, je ne m'en lasse pas et, à chaque relecture, aperçoit des petits cailloux auxquels je n'avais pas fait attention, des interprétations différentes de celles que j'avais tirées en premier lieu. 

     

    Dans le noir et l'incertitude, Angharad m'a pris par la main, me faisant faire autant de fois que je le souhaitais le tour de son monde, de sa naissance, de son évolution, me confiant le secret de cette nécessité qu'il me fallait mettre en pratique : le choix, le non face aux exigences du destin, l'espoir d'un futur possible même quand toutes les portes semblent closes. L'attente. La patience. L'endurance.

    Nicnevin aussi a ajouté sa pierre à mon édifice. "Je suis moi. Aucun prix n'est trop élevé pour ça." Telle est la leçon qu'il m'a fallu assimiler, encore et encore. Nicnevin, cette tour inébranlable dont j'admirais la force, et dont la douleur m'a poignardée. Je crois m'être inspiré principalement d'elle. Ce coup inattendu, cette blessure chérie sous un cerisier. Elle était cette Bérénice qui règne mais qui apprend aussi à vivre. Je l'ai fait également. J'ai fait tomber le masque. 

    Herne a toujours eu une place particulière dans mon cœur, et ce dernier s'est réjoui en retrouvant la trace de ce chasseur bien des années plus tard, dans des bois d'Angleterre, alors que je m'élançais à la suite d'Ivy, riant avec elle, embrassant la forêt comme je l'avais embrassée plus jeune, et avec toi aussi, ma sœur hivernale, ravie de voir ce personnage briser les codes et les silences. 

    J'ai été dans de nombre de trains, me plaisant à y imaginer Need et Gift, l'un guidant l'autre, à la recherche de cette terre promise, ce Neverland où leurs semblables les attendaient. A défaut de réelle famille telle que je l'entendais, ils m'ont eux aussi chuchoté cette vérité : fais ce qui doit être. Peu importe les kilomètres (sur les mains et les genoux). Mange-les, dévore-les, et surtout, surtout, ne te retourne pas. Et la clôture qui annonce un nouveau départ. Les mots de Rain. 

     

    Ce qui fait de nous des frères, ce n'est ni le sang versé, ni le sang partagé. C'est l'amour. Tu ne le savais pas ?

     

    Famille. Un mot si terrible dans sa solennité. Un mot si grave.  Porteur d'autant de joies que de malheurs. Là aussi, il a fallu faire des choix. Zelda se faisait tant de reproches que je comprenais et ne comprenais pas tout à la fois son tiraillement. Parce que c'était l'évidence. Parce qu'il ne devrait jamais y avoir d'hésitation face à ce qui est juste. En cela, peut-être ai-je trop pris d'Anis ou de Jay. Il m'a fallu être moins dure, moins intransigeante pour accepter la paix. Même encore maintenant. Tout ou rien. J'aurais pu être Lyron, et peut-être d'ailleurs l'ai-je été, et ce jusqu'à laisser entrer dans ma sphère cet apaisement, comme elle le fit face au soleil levant. 

     

    Au final, ce fut la leçon que je ne compris qu'en dernier, à force de lecture et de relecture, de route traversée et retraversée. J'étais comme Kelis, peu sûr de ma valeur et de mon pouvoir, admirant ceux que j'estimais me surplomber et ne me voyant jamais comme leur égal. Puis il y eut cet instant où les mots d'Angharad prirent tout leur sens.

     

    Maudits sont ceux, alors, qui ne vivent pas en esclavage !

     

    Il y eut cet instant où je n'eus plus besoin de lutter, où il fallut baisser les armes, car elles ne valent rien contre quelqu'un qui n'est pas là pour vous blesser et vers lequel tout votre être crie. Ce fut là, peut-être, la plus difficile des leçons. Ne plus se protéger constamment. 

     

    Merci. 

     

    Ce n'est pas un mot qui se dit entre Fay et pourtant il n'y a que celui-là que je garde pour la fin. Merci de m'avoir guidé indirectement. Merci pour ces bouffées d'oxygène. Merci d'avoir le mot et le tir si juste. J'espère pouvoir emprunter encore longtemps ces routes, et suivre encore ces personnages. 


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  • Nouvelle venue. 

     

    Ce n'est pas que la route a été longue. D'ailleurs, peut-on encore la qualifier ainsi, quand la parcourir procure autant de frissons d'effroi que d'excitation ? La route est là, parfois semée d'aiguilles et d'autres fois s'égarant entre de vertes collines, ces collines qui nous font voir le monde de si haut, si haut qu'il nous suffirait d'un pas pour la quitter, cette route. 

     

    Ses pas l'ont menée jusqu'ici. Elle ne sait pas vraiment si cela sera suffisant, mais il le fallait. Pour l'instant, ça reste une nécessité, ce besoin d'avoir cet ailleurs. Cet endroit où elle est sûre qu'elle sera libre, toujours. Son sac à dos tombe à terre, et elle suit.

     

    Elle se roule dans l'herbe tendre avec la nonchalance de ceux qui ne sont pas pressés. Présentement, il lui semble avoir le temps. Tout le temps du monde. 

     

    Rouvrir ce sac et tout ce qu'il contient, ce sera bien assez tôt. 


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